Seulement BD: Ruse 03 & 04 The Complete Series - Compilations de Voltaire57 (V.O.)

Remis de vos émotions avec le méchant Lightbourne ?

Les petits malins auront reconnu que ce textuellement porteur de lumière n’est autre que la version anglaise de Lucifer (lucis fero). Il y a dans cette saga un jeu permanent d’allusions et de clins d’oeil que ce soit dans le texte ou les images. On peut s’amuser à reconnaître telle ou telle célébrité dans les différents personnages de la saga.

Le n°13 de la revue officialise un passage de témoin puisque Mark Waid aban-donne le scénario au profit de Scott Beatty qui avait cosigné le numéro précédent.

Plus globalement il est assez rare de voir une série américaine conserver la même équipe.

Aux exceptions d’usage sur les 26 numéros de la revue, il n’y aura que deux scénaristes Scott Beatty et Mark Waid, celui-ci scénarisant même la suite dans Marvel en 2011. Butch Guice dessinera 21 histoires, Paul Ryan 4 et Jeff Johnson une seule. Mike Perkins fera également 21 encrages et mieux encore illustrera les trois numéros du spin off de la série : Archard’s Agents. Quant à Laura DePuy, qui signe parfois Martin de son nom de femme mariée, elle officiera presque intégralement jusqu’à son départ du groupe qui commençait sérieusement à battre de l’aile financièrement parlant.

Vingt ans après la déconfiture de CrossGen que penser de cette série ?.

Elle marque incontestablement des points par son originalité, la beauté de ses dessins et souvent de sa mise en page. Les couleurs sont splendides et le monde qui nous est offert est cohérent.

Malgré ces atouts de premier ordre la saga souffre de scénarios bancals. La faute sans doute à cette interconnexion entre steampunk et fantastique qui permet tout et n’importe quoi.

Qu’on le veuille ou non, on s’aperçoit qu’en matière artistique la contrainte volontaire oblige à faire fonctionner ses cellules grises pour éviter de céder à la facilité. Dans l’ensemble ce n’est pas le cas ici.

C’est d’autant plus dommage que tous les ingrédients étaient sans doute là pour en faire une oeuvre phare de la BD.

Finalement un scénario c’est comme la mayonnaise, il faut prendre son temps et ne pas verser l’huile trop rapidement !

CrossGen avait de réelles ambitions et de nombreux atouts. L’entreprise avait prévu de perdre de l’argent pendant six années pleines et de devenir largement profitable par la suite. C’est pour cela que de nombreuses sé-ries furent lancées. Les débuts étaient conforment aux espoirs initiaux le groupe ne décrochait pas moins de 15 nominations aux Harvey Awards en 2002.Au même moment le groupe était également l’un des leaders dans le domaine du web comics.

Le plan qui consistait à gagner de l’argent grâce aux adaptations TV et autres produits dérivés était en train de prendre forme lorsque la catastrophe est arrivée. Le succès commercial ou critique même s’il est au rendez-vous n’empêche guère une jeune maison d’édition d’être en équilibre instable à moins d’avoir des fonds propres pharaoniques.

Tout est parti d’un retour brutal d’invendus bien au-delà de ce qui était escompté. Différents diffuseurs avaient accumulé des numéros invendus et les ont retourné d’un coup saignant à blanc les finances de la société. C’est exactement ce qui s’est passé pour Pilote avant que Georges Dargaud reprenne le titre en catastrophe. Warren Publishing a failli connaitre la même mésaventure avec les retours massifs de Blazing Combat, mais il s’agis-sait là d’une volonté de couler délibérément la boite à cause de la teneur de cette revue.

Mark Alessi le principal propriétaire du groupe essaya de sauver les meubles mais en vain, Disney rachetant les actifs pour un million de dollars. Filiale de la maison de Burbank Marvel récupéra le lot et relança une mini série avec Ruse en 2011.

Nous en reparlerons bientôt.