3. La troisiĂšme plaie
Une BD de Stephen Desberg et Henri Reculé chez Le Lombard.
09/2009 (18 septembre 2009) 46 pages, Format normal.
Quelque part au cĆur de la nuit, deux femmes sâaffrontent au sujet dâun
homme, Cassio. Plus tard, Ă Rome, cet homme succombe Ă quatre coups de
poignard. De nos jours, entre la Ville Ăternelle et EphĂšse, Ornella
Grazzi tente de percer le mystĂšre de cet assassinat et de mettre Ă jour
lâidentitĂ© des tueurs. Livion, ami de jeunesse de la victime, et le
fortunĂ© Honorius dĂ©masquĂ©s, la jolie archĂ©ologue piĂ©tine. Lâaide
inattendue de la gouvernante de lâinquiĂ©tant TanhaĂŒser la conduit sur
les traces de Cassio Ă Alexandrie, en 139. Ce dernier y cherche
quelquâun qui saura lui expliquer lâĂ©trange pouvoir lui permettant de
pénétrer dans un corps pour le guérir ou le faire souffrir. Au cours de
son voyage, il croise de nouveau la route de Livion et Honorius venus Ă
un mystérieux rendez-vous avec un certain Marcion, et de la belle
AntinoĂ©, qui pourrait bien ĂȘtre sa troisiĂšme meurtriĂšre.

La fin du Second coup avait laissĂ© le lecteur un peu dĂ©sabusĂ©, la trame tournant autour dâune main fĂ©minine pour sâachever sur la rĂ©vĂ©lation dâun assassin et non dâune criminelle. Dans ce nouveau volet, nulle dĂ©ception puisque le nom de celle qui a frappĂ© le hĂ©ros est enfin dĂ©voilĂ©. Dommage cependant que les premiĂšres pages ne laissent guĂšre de doute quant Ă son identitĂ©. Restent alors les autres composantes, savamment et progressivement mises en place par StĂ©phane Desberg (Black op, Empire USA, I.R.$, Les Immortels, Le Scorpion, etc.) qui, jusque lĂ , nâavait montrĂ© que les raisons purement personnelles des diffĂ©rents protagonistes dâen vouloir Ă Cassio, ainsi que les tribulations de son archĂ©ologue de choc.
Cette fois-ci, suivant un rythme bien marquĂ© alternant passĂ© et prĂ©sent, le scĂ©nariste exploite un peu plus profondĂ©ment les pouvoirs de son personnage principal, qui semblent effrayer mĂȘme les plus sages. Il met aussi en lumiĂšre une conspiration qui renoue avec un de ses chevaux de bataille : lâĂ©troite relation entre menĂ©es sociopolitiques et religion. En effet, le nouveau venu de lâhistoire,
Marcion, entend, grĂące au soutien de ses compagnons trĂšs intĂ©ressĂ©s et Ă un livre, imposer une croyance unique pour mieux contrĂŽler le peuple. Cela rappelle forcĂ©ment Le Scorpion ou dâautres titres voguant sur la mĂȘme vague de la conjuration politico-religieuse. Pourtant, si lâidĂ©e est dĂ©jĂ vue et revue, le rĂ©cit nâen pĂątit nullement, car lâauteur parvient Ă y intĂ©grer parfaitement ce nouvel Ă©lĂ©ment lui confĂ©rant encore un peu plus dâĂ©paisseur. En revanche, les passages se situant Ă notre Ă©poque sâavĂšrent plus poussifs, certaines situations manquant mĂȘme de crĂ©dibilitĂ©. Ornella se transforme sans coup fĂ©rir en une sorte dâespionne formĂ©e aux acrobaties les plus pĂ©rilleuses pour sâĂ©chapper dâune salle dont les encadrements de portes sont bardĂ©s de dĂ©tecteurs. Difficile Ă©galement de prĂȘter foi Ă la crĂ©dulitĂ© de TanhĂ€user face aux explications de sa gouvernante.

Au dessin, Henri ReculĂ© (Castel Amer, Le crĂ©puscule des anges, Les Immortels, Le Dernier livre de la jungle) restitue du mieux possible les parages antiques oĂč Ă©voluent les protagonistes, ainsi que la Rome contemporaine. Mais ni les terrasses des demeures alexandrines ni leurs chambres sombres ne possĂšdent la majestĂ© des lieux visitĂ©s dans les tomes prĂ©cĂ©dents. La sobriĂ©tĂ© des dĂ©cors se dĂ©tache sur les gros plans tandis que les vues dâensemble sâavĂšrent trĂšs peu nombreuses. Par ailleurs, comme dans les autres volets, les va-et-vient entre IIe et XXIe siĂšcle ne sont pas suffisamment marquĂ©s graphiquement, ce qui peut entraĂźner une lĂ©gĂšre confusion. Enfin, la majeure partie de lâalbum se dĂ©roulant de nuit, la mise en couleurs de Bertrand Denoulet joue sur les nuances des cieux nocturnes, des Ă©clairages Ă la lampe Ă huile, et des crĂ©puscules. Une atmosphĂšre propice au complot et aux mystĂšres qui parsĂšment le rĂ©cit !
Malgré quelques défauts et un air de déjà -vu d'un élément du scénario, La troisiÚme plaie se révÚle aussi captivante que les deux premiers albums. Alors pourquoi se refuser le plaisir d'une lecture divertissante et bien menée ? Et puis, il reste encore un assassin à découvrir !
Par
M. Natali [http://www.bdgest.com]