Seulement BD: Xavier dans Spirou (1953-1954) - Compilation de Voltaire57 [Les incunables de Spirou 01]

vendredi 3 décembre 2021

Xavier dans Spirou (1953-1954) - Compilation de Voltaire57 [Les incunables de Spirou 01]

Bien sûr, bien que parue dans Spirou, il s'agit d'une BD religieuse.

On pourrait alors détourner les yeux et passer son chemin mais ce serait dommage.

D'abord parce qu'on ne connait pas, ou très mal, la vie de François-Xavier (1506-1552) qui était, comme disent les anglo-saxons, bigger than life. À une époque où la majorité des gens ne quittaient pas leur village, lui en onze ans d'apostolat a parcouru 80.000 km.

Le Mozambique, l'île de Socotra au large du Yémen, Goa aux Indes, Ceylan, Malacca, les Moluques,

le Japon et pour finir la mort aux portes de la Chine telles sont les étapes de son périple oriental,

mais avant cela il y a le sentiment de sentir navarrais, comprendre basque, l'invasion espagnole,

ses études à Paris, la création avec Ignace de Loyola, ancien militaire estropié de

guerre, la création de l'ordre des Jésuites.

Tout cela en 46 ans à peine, bref une vie sans temps morts.

On a pris l'habitude de lire des BD où les colonisateurs et autres conquistadores arrivent

dans des contrées lointaines l'arme au poing.

Rien de tout cela ici la seule arme de François (Xavier est le nom de la ville où il est né) est son bréviaire.

C'est tout à la fois rafraichissant et un peu naïf comme l'est le dessin de Pierre Dufoux (1914-2013).

Sous des abords simplistes il est finalement très efficace avec les détails

qu'il faut mais sans surcharge inutile. Il est aidé en

cela par une innovation, pour l'époque, à savoir mettre en scène le récitant.

Ce petit ménestrel remplace astucieusement les récitatifs et les explications parfois nécessaires.

En fait c'est l’auteur lui-même qui est le petit ménestrel.

Comme son illustre prédécesseur le dessinateur/scénariste est un père jésuite.

Pour célébrer les 400 ans de la mort de François-Xavier, Dupuis a l'idée de faire une «histoire en

images ».

Ce n'est pas la première fois que Dupuis met en scène des BD « religieuses », Don Bosco en 1941 (1946 dans la version diffusée en France) puis Blanc Casque en 1955, sans compter plusieurs histoires d'Oncle Paul relèvent du genre.

Preuve que Vaillant n'était pas la seule revue à faire

du prosélytisme.

Toujours est-il que de fil en aiguille cette vie de François échoit à Pierre Defoux. C'est avec un peu de retard sur le 400° anniversaire que débute cette histoire puisque nous sommes alors en février 1953.

Si elle ne racontait pas

les tribulations d'un saint on pourrait presque parler d'une œuvre maudite. Alors que Don Bosco et Blanc Casque déjà cités avaient fait l'objet d'album chez Dupuis, il faudra at-

tendre 1990 pour que ces 75 planches soient enfin publiées en album chez Hélyode, un petit éditeur belge aujourd'hui disparu.

Pire encore, il semble bien que Dupuis se soit lassé de cette histoire qu'il avait pourtant lui-même initiée. À la fin de la 67° planche, le héros n’est toujours pas arrivé au Japon. À partir de là les choses s'accélèrent : moins de vignettes plus de récitatifs et l'histoire s'arrête 8 pages plus loin. On peut donc bien parler d'une œuvre mutilée.

En 1980, repentir ou pas, l'éditeur rend les planches originales à l’auteur qui en fait don à

sa communauté. C'est une version en noir et blanc qui est alors publiée en 1990 dans La

Libre Belgique. Vient alors une nouvelle idée : pourquoi ne pas compléter l'histoire ?

Defoux à un âge plus que canonique va donc dessiner 17 nouvelles planches

qui narrent la période japonaise du

prêcheur. Il faudra 4 ans supplémentaires pour que soit publiée en deux albums

couleur cette ultime version.

C'est Coccinelle BD, un éditeur religieux belge, qui se charge de l'affaire mais

les deux albums sont épuisés depuis longtemps.

Toutefois à cette occasion on redécouvre les dessins de Defoux et on finit par se dire qu'il a bien du talent. Il aura droit à une première exposition à Angoulême au moment du festival, mais pas dans

l'enceinte du festival, mais dans la cathédrale.

Hasard malicieux de l'Histoire Defoux s'éteint le 3 février 2013, le jour même de la fermeture du Festival et ce alors que ses planches originales avaient fait une deuxième fois l'objet d'une exposition.

Vous pouvez maintenant embarquer avec Xavier depuis Lisbonne pour une aventure lointaine mais faites attention il y atout de même un vrai méchant dans cette histoire.

C'est un occidental barbu qui s'appelle Demonio. Evidemment !