Koba
Scénario :Jean Dufaux,
Dessin :Régis Penet,
Couleurs : Nicolas Bastide,
Dépot légal : 08/2014 (Parution le 27/08/2014)
Editeur : Delcourt
Pages : 70
Le train file vers une ville sibérienne qui n’existe plus. À son bord,
Iossif Vissarionovitch Djougachvili. En maître incontesté de l’URSS, il
revient en cette terre d’exil, à la poursuite de son passé…
Koba est un one-shot pour le moins atypique dans lequel, joliment
servi par le graphisme de Régis Penet, Jean Dufaux évoque l’ère
stalinienne. Pour ce faire, le scénariste belge refuse la facilité et
s’offre un récit à la mesure de son imagination, à la démesure de son
personnage principal. Pour l'occasion, il utilise les services d’êtres
fantomatiques qui trouvent dans le sang de leurs victimes le pouvoir
d’être éternels, comme Staline qui, pour perdurer au sommet de
l’appareil d’État, laissa un pays exsangue après la Grande purge.
Progressivement, les différents flashbacks mettent en lumière la
situation présente et en perspective les liens qui unissent les anciens
détenus du camp de Novaya Uda. Si les amours saphiques et initiatiques
de Katia permettent à Jean Dufaux de distiller la dose de licencieux qui
lui est nécessaire, le rôle attribué à la défunte Macha s’avère
nettement plus intéressant. Égérie supposée de Staline, tuée par ses
soins pour non-service rendu à sa personne, elle passe du statut de
victime expiatoire à celui de bourreau, et son fantôme devient alors la
matérialisation métaphorique des ambitions de son ancien amant.
Ainsi,
celui qui, dans un tableau, voulait immortaliser pour la postérité son
ascension au milieu de ses pairs, voit ceux-ci disparaître jusqu’au
dernier, à l’instar de Nikolaï Iejov que la propagande effaça de la
mémoire de la Révolution au lendemain de sa disgrâce. Pour rendre compte
du coté fantastique de l’histoire, le dessin de Régis Penet fait encore
merveille par son esthétisme des corps comme des couleurs. À regretter
cependant quelques difficultés dans la représentation du Petit père des
peuples telle que l’iconographie soviétique l’a léguée à l’Histoire.
Capitalisant sur le trait de Régis Penet, Koba reste avant tout
un exercice de style dont la dimension allégorique, s'avère parfois
discutable, notamment au regard de la dernière planche.