On ne dira jamais assez combien la mort de Maurice Tillieux a été cruelle.
Pour sa famille d’abord, pour ses amis, ses collègues, ses lecteurs,
bref tous ceux qui l’aimaient et ça fait du monde.
Dessinateur accompli, scénariste méticuleux, on lui doit autant
de planches d’aventure que de saines rigolades.
Ses aventures de Tif et Tondu sont parmi les plus épatantes,
sa Ford T est de belle facture et quelques
policiers nous ont régalé dont le plus fameux, en tout cas
incontestablement le plus abouti, est à jamais Gil Jourdan.
Avant Gil, il y avait eu Félix (1949-1956) son frère aîné en quelque
sorte dont les nombreuses aventures étaient plus ramassées puisque
d’une douzaine de planches à chaque fois.
Pas de quoi donc de développer des trames un peu étoffées
alors que dans Gil Jourdan il a suffisamment d’espace pour
concocter des histoires denses qui tiennent la route avec
un humour corrosif. Plusieurs d’entre elles sont d’ailleurs
inspirées des aventures de Félix.
Ce que l’on sait moins c’est qu’avant de créer Gil Jourdan
pour Spirou en 1956,
il avait l’année précédente lancé Marc Jaguar pour Risque-Tout,
un autre hebdo des éditions Dupuis. Une seule aventure était parue
puisque le journal disparut au bout d’un an mais Tillieux
en avait entamé une seconde qui sera terminée
bien des années après par ses amis. Ce sont ces
deux enquêtes que nous avons réunies aujourd’hui :
Le Lac de l’Homme Mort et Les Camions du Diable.
Combien il aurait été formidable d’y joindre toutes les aventures
d’Ange Signe, un autre épigone de Gil. Malheureusement
Ange fut publié à partir de 1958 dans différentes revues
telles IMA l’Ami des Jeunes, L’Intrépide et Récréation.
On recenserait 18 histoires dont certaines copieuses
d’une trentaine de pages.
Seuls deux albums à la diffusion confidentielle furent édités
reprenant 3 de ses histoires : La Grotte au Démon Vert,
La Résurrection du Potomac et Aventures aux Amériques.
Les voici également dans ce recueil.
Mort en 1978 à seulement 56 ans dans un accident de voiture
Maurice Tillieux n’a jamais été remplacé.
Il nous manque et Gil Jourdan aussi.
Alors certains nous ont proposé des sortes de pastiches.
En 1985 François Dimberton nous offre Alex contre le Hibou.
Le dessin se rapproche de celui de Tillieux, la période
choisie celle des années 50/60 fait évidemment
penser à Gil Jourdan et l’ambiance y est.
Ce n’est certes pas du Tillieux,
mais l’ensemble n’est pas indigne.
Pourtant il n’y aura qu’un seul album.
Mévente ? Risque de procès pour parasitisme ? On ne le saura pas
et cela n’a guère d’importance. Plus ambitieuse sera la
série Simon Nian, adoubée par la fille de Maurice Tillieux.
C’est François Cortégianni qui se charge du scénario tandis que
Marc Rodier, sans doute le meilleur pasticheur de Tintin, s’amuse
à faire du Tillieux. Et comme pour Tintin il le fait à la perfection.
Mais si l’ambition est là la réussite non !
D’habitude Cortégianni n’était pas un mauvais scénariste. D’habitude.
Mais là, même avec la meilleure volonté du monde, c’est navrant.
Vous trouverez néanmoins les couvertures des albums qui vous
prouveront que Rodier était tout à son affaire.
Alors voilà on pleure Tillieux et on ronge son frein en ne voyant
plus apparaître de nouvelles aventures de l’élégant détective privé.
Finalement c’est mieux ainsi car on sait bien que les gens
d’exception sont irremplaçables.
Nous remercions Voltaire 57 pour ce magnifique album,
parfaitement édité.
Album nº 533 réalisé par Voltaire57
Publié par Monsieur Augustin
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