Genre :Aventure
Parution :One shot
Tome :1
Origine :USA
Langue : Français
Langue : Français
Une affaire de famille
Une BD de Eisner, Will chez Editions USA - 1998
05/1998 70 pages Format normal
À l'occasion du quatre-vingtdixième anniversaire de leur patriarche, les membres
d'une famille se rassemblent le temps d'une soirée.
Mais sous le vernis festif de cette réunion familiale affleurent la convoitise, l'ambition,
la frustration et les espérances de chaque membre.
Le sort de l'aïeul est également évoqué et la décision de le placer en maison
de retraite tombe comme une sentence.
d'une famille se rassemblent le temps d'une soirée.
Mais sous le vernis festif de cette réunion familiale affleurent la convoitise, l'ambition,
la frustration et les espérances de chaque membre.
Le sort de l'aïeul est également évoqué et la décision de le placer en maison
de retraite tombe comme une sentence.
Lorsqu'un homme fête ses 90 ans, qu'il est tétraplégique, coincé dans son corps, dans ses souvenirs et qu'il voit sa progéniture se crêper le chignon à cause de l'héritage tant attendu, mieux vaut fermer les yeux, faire croire qu'il ne comprend plus rien et attendre la fin.
Greta semble la plus aimante de ses trois filles. Elle l'a recueilli chez elle et s'occupe de lui comme elle peut. Pour célébrer l'anniversaire de son père, Greta a réuni ses frères et sœurs qui, pour certains, ne l'avaient pas revu depuis dix ans. Al est parti à l'Ouest pour faire fortune dans le pétrole, abandonnant son fils, Sammy, complètement dépressif depuis la mort de sa mère. Léo est avocat, il gère les affaires restantes de son géniteur, ses sous mais aussi son testament. Molly, femme rigide que rien ne semble satisfaire ni émouvoir, critique ses frères et sœurs en permanence à cause de la spéculation qu'ils entretiennent autour de l'argent du père. Quant à Selena, elle patauge dans une vie minable et paraît la plus détachée vis-à-vis du futur héritage. Tous ne viennent à l'anniversaire que dans la perspective du gain post-mortem et s'étranglent presque lorsque Greta leur annonce qu'elle ne peut plus garder le paternel à la maison. Il faut lui choisir une pension : soit onéreuse et confortable, entrainant la dilapidation de sa fortune, soit économique et le capital n'en pâtit pas trop. Mais s'il vit encore cinq ans, sept, ou dix ? Combien restera-t-il après sa mort ?
Avec Will Eisner, il fallait s'y attendre, Une affaire de famille est forcément un terreau fertile pour l'ironie et la satire. Bien sûr, l'auteur du Spirit tombe parfois dans la facilité d'un scénario peu original : un père riche, qui a fait fortune en ne partant de rien, qui a eu cinq enfants sans vraiment les élever lesquels, devenus adultes, ont tous une bonne raison de le détester (trahison, inceste, dénigrement …). Les traits sont parfois grossiers, mais à bon escient. Le propos du maître n'est pas de construire une histoire divertissante et novatrice, mais de dresser le portrait de gens veules, intéressés, cupides et souvent sans cœur. Eisner tisse alors un récit tombant dans le sordide à travers les mots et les actes de ses personnages. Aucun n'est attachant. Ce qui lie principalement le lecteur au récit est la façon dont l'auteur façonne sa narration. L'inventeur du Roman Graphique utilise tout son art de la narration et de la mise en page pour la rendre vivante et percutante. Les scènes où l'un des enfants parle à son père en aparté, le croyant sénile, sont agrémentées de bulles matérialisant les pensées toujours perspicaces du vieux. La confrontation entre le présent vide et les souvenirs à foison, parfois douloureux, parfois cruels, permet de mieux comprendre l'état d'esprit des personnages et étoffe leur psychologie. Eisner n'a pas son pareil pour utiliser au mieux tout le langage de la bande dessinée.
Moins emblématique qu'Un pacte avec Dieu, Une affaire de famille s'inscrit parfaitement dans le travail du maître, par sa mise en scène et le thème de la famille qui revient souvent dans ses œuvres. À ne pas prendre comme première approche du travail de Will Eisner, mais plutôt comme une pierre à l'édifice de la collection. À noter que les éditions Delcourt ont revu la « coloration » par rapport à la version des Editions USA, ce qui en fait un album plus agréable à lire, quoique plus sombre.
Par M. Lalout-Hédard [www.bdgest.com]