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mardi 12 octobre 2021

L'Espagne dans pages de Pilote & Charlie et Pilote (1988-1989) - Compilation de Voltaire57


Le 15 octobre 1970 Pilote devient  "le journal qui s'amuse à réfléchir". 
Il ne s'agit pas seulement d'un changement de slogan mais la consécration 
d'un journal qui n'est plus vraiment un journal de BD. 
Mai 68 est passé par là et les Jeunes Turcs du  journal veulent être en prise
 directe avec l'actualité. Goscinny qui a été formé à l'école Mad voit cela, sinon d'un bon œil 
car il a été traité plus bas que terre par ces trublions, au moins d'une manière intéressée.

Ne vont réellement rester que les BD qui s'adressent à un public adulte ou qui se croit tel. Hormis Blueberry les séries de Charlier vont voler vers d'autres cieux comme Michel Tanguy ou quitter le navire comme Barbe-Rouge. Jacques Le Gall, Guy Lebleu passent à la trappe comme Tracassin et Angelure de Chakir, Tony Laflame de Martial, Valentin le Vagabond de Tabary, etc. évidemment tout ne s'est pas fait en un jour mais progressivement avec comme résultat un journal différent.

Ce nouveau format va durer du n°511 jusqu'au 760 (30 mai 1974) qui sera le
dernier de l'hebdo mais immédiatement remplacé par le mensuel. 
Le roi est mort, vive le roi !

Jean-Michel Charlier a longtemps regretté cet abandon du concept originel mais 
rien ne dit que Pilote aurait pu malgré tout perdurer tel quel. Après tout le succès 
de la revue Super As n'a pas eu le succès escompté.

Ce qui est sûr en revanche est que ce Pilote nouvelle formule avait choisi un chemin escarpé. 
Journal d'Astérix au succès colossal il traînait implicitement l'image du grand capital; 
en faisant ces pages d'actualités il marchait - un peu- sur les plates-bandes d'Hara Kiri et ses revues hebdo Hara Kiri Hebdo puis Charlie Hebdo. Toujours est-il que François Cavanna, le rédac'chef de l'hebdo satyrique le ressentit comme tel et alluma assez méchamment Pilote. 
Le Monde qui n'a jamais été à une position partisane près en remit une couche. Le mélange fut assez détonnant et raidit les positions des deux parties. Du coup Gébé, Reiser, Cabu et Defeil de Ton abandonnèrent Pilote pour rejoindre l'écurie Cavanna.

Il faut se remettre dans le contexte de l'époque. Si les relations étaient moins guindées que dans les années 60, Mai 68 oblige, le clivage droite/gauche était idéologiquement plus prégnant qu'aujourd'hui. Bref il apparaissait à certains qu'il était impossible de s'exprimer comme ou le souhaitait au sein de Pilote. D'où la création de L'écho des Savanes en mai 1972 suivi d'un deuxième numéro en janvier 1973 puis d'un troisième en avril. En perdant, même partiellement, Brétecher, Gotlib et dans une moindre mesure Mandryka, Pilote perdait gros. L'impression dominante était que lorsqu'ils œuvraient dans Pilote, ces trois-là se contraignaient alors que dans L'Écho ils étaient libres. 
De fait jamais Goscinny n'aurait validé le type de planches qu'on trouvait dans ces premiers 
Échos qui, si les mots ont un sens, étaient, malgré leur drôlerie, porno-graphiques et parfois scatologiques. Mais hors ce champ Goscinny leur laissait une complète liberté de création.

Toujours est-il que Pilote devient donc un mensuel en juin 1914. On trouvera dans le journal à chaque numéro une ou deux histoires à suivre d'une dizaine de pages à chaque fois, plusieurs récits complets de longueurs très variables, quelques gags et des articles. On retrouve grosso modo la même formule dans Métal Hurlant qui sort dès janvier 1975 puis dans (à suivre) à partir de février 1978. Si l'on ajoute Fluide Glacial, à partir de mai 1975 Pilote est entouré de sérieux concurrents.

Métal semble davantage dans le coup, Fluide se veut plus drôle et (à suivre) publie autant sinon davantage de bandes de qualité. Malgré tout cette nouvelle formule va durer 140 numéros jusqu'en février 1986. à cette date le journal fusionne avec Charlie, l'autre revue BD du groupe pour devenir Pilote & Charlie.
Ironie de l'histoire Charlie à l'origine était un journal de BD des éditons du Square les mêmes qui éditaient Charlie Hebdo et Hara Kiri. Mais le magazine s'arrêta en septembre 1981 à son 152éme numéro. Dargaud reprit le titre pour lancer une nouvelle formule dès janvier 1982 avec quelques auteurs maison comme Dimitri ou Picard et des petits nouveaux tel Loisel.



Des séries étrangères comme Peanuts faisaient déjà parties de la première série mais la cadence va s'accélérer avec des BD venues
d'Italie ou d'Espagne, celles de Saudelli ou Segura par exemple. Pour la revue ces planches ont l'avantage d'être moins chères, d'abord parce qu'elles ont déjà été amorties sur leurs marchés respectifs ensuite parce que la peseta et la lire sont encore en plus mauvais état que le franc.


 


 
  Pilote & Charlie va durer l'espace de 27 numéros (juillet 1988) pour laisser
 en septembre la place à … Pilote. Il s'agit en fait de la même revue. C'est
tellement que la numérotation reprend  au nº 28, seule différence les pages
couleurs ont disparu. Le journal propose quelques récits complets et des
histoires à suivre en prépublication, à raison d'une dizaine de planches à
chaque fois. Un peu plus d'un an plus tard le n°41 marque la fin définitive du
magazine. Ce n'est pas les parutions de type commémoratif qui change grand-chose.

Cette même année marquera également la fin de Circus et de Corto, Métal
ayant fini de hurler dès 1987. Hormis Vécu c'en était fini des journaux de BD
au lectorat adulte, exception faite des revues polissonnes. Quant à Pif et
Tintin, dans ce dernier cas avec d'autres noms, ils se traîneront jusqu'en 1993.
Ne subsiste de cette époque que le seul Spirou qui au moins en terme de tirage,
et en fait pas seulement n'est plus que l'ombre de lui-même

Il n'en reste pas moins vrai que les séries publiées durant cette période
 étaient souvent d'excellente facture. Dick Hérisson, Cliff Burton, La quête de
l'oiseau du temps, Harry Chase pour ne citer que celles-là côté français. 
Côté étranger en vrac Les Inoxydables, Sarvane, les Anges d'Acier,
Weimar, La Fille du Wolfland, etc.


Beaucoup des récits complets sont restés inédits en album, tandis que la
plupart des histoires à suivre l'ont été. Pour autant la plupart d'entre elles
 ne sont plus rééditées depuis belle lurette. L'exemple que
nous avons choisi est celui de Frank Cappa. Le personnage est un journaliste 
et son nom fait évidemment penser à Robert Capa, l'immense reporter de guerre. 
Comme son modèle il se balade dans le monde entier.
 Pilote va publier deux aventures d'une vingtaine de
pages chacune.



L'action se déroule au Vietnam; cette guerre a été la grande affaire des années 60. C'est elle qui a marqué le début de la contestation chez les jeunes, c'est elle qui emplissait les
journaux télévisés et qui divisait le monde en deux camps, l'oncle Ho contre l'oncle Sam.
C'était aussi une époque où l'on croyait encore aux lendemains qui chantent, ceci expliquant cela. 
Cette guerre était devenue un symbole, celle de Corée n'avait pas eu, en Occident tout du moins, 
la même exposition.
D'abord elle fut plus courte (1950-1953) ensuite elle ne fut pas télévisée ou si peu, 
Alors que la guerre du Vietnam a duré beaucoup plus longtemps (1964-1973 pour la seule présence guerrière effective des Etats-Unis) et fut filmée sous toutes les coutures. 
Tous ces incidents ne pouvaient bien sûr qu'alimenter romans, films et BD.

Manfred Sommer (1933-2007), espagnol malgré son nom (de père allemand et de mère andalouse), nous offre ainsi deux histoires distinctes mais qui reflètent toutes deux la réalité du terrain. Dans la première on remarquera que l'un des protagonistes a la tète d'Orson Welles dans une aventure où le type d'immolation et d'attentat décrits sont réellement arrivés. 
Quant à la deuxième certaines scènes font penser au Voyage au bout de l'enfer (1978) 
qui elles aussi ont un caractère authentique.

Les deux histoires seront réunies en albums dès 1989 sous le titre de Viet-Song avec 
en plus un courte récit se déroulant à Hong-Kong sur le scabreux sujet 
de la prostitution enfantine. 
À cela il faut rajouter quelques planches présentant des dessins grand format à cette époque un peu en retrait au moins en France qui montrent tout le talent de Sommer.

Mais il serait injuste de limiter le talent au
seul Sommer. Vous trouverez dans cet album
des pages signées José Ortiz (1932-2013),
Carlos Giménez (1941), Antonio Hernández Palacios (1921-2000) dans une parodie de Mac CoyVíctor Mora (1931-2016) et tant d'autres.

Bien évidemment se glissent dans ce flot de
purs Argentins comme Carlos Trillo (1943-
201i) et Gustavo Trigo (940-1999) et
même un Français, Jean-Pierre Gourmelen(1934).




Il n'en reste pas moins vrai que durants ces années 80,
 l'Espagne était l'usine européenne de BD, sans doute même supérieure
à l'Italie dont les exportations étaient à cette époque un peu en retrait au moins en France.



Pourtant tous ces auteurs et artistes à de rares exceptions près n'ont pas été célébrés, 
me semble-t-il, à la hauteur de leur réel talent. Voilà pourquoi, même s'il ne s'agit 
que d'un court aperçu, cette piqûre de rappel paraissait nécessaire.

Cet album est tout particulièrement dédié à François. Il se reconnaîtra.





 

Merci à Voltaire 57 cet excellent album virtuel parfaitement édité.

Liens: .zip  -  .pdf    

Publié par Monsieur Augustin


https://mega.nz/file/qSJkWbyT#30yDWkKST-4GUxGlYKYoJ5Nw2H76fNM6AChBH7oVXmI

https://mega.nz/file/mPAiHRjB#6dTL-IANtMm5kpU9Pzr5KeYPkGjJe4yQljA3B14kU74


10 commentaires:

  1. En lisant ce magnifique article, bien des souvenirs se sont réveillés dans ma vieille mémoire...
    Je salive à l’idée de lire bientôt cette compilation ! Merci beaucoup Voltaire pour cela et salue François de ma part.

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  2. Un album étonnant et très précieux. Mettre en valeur ces grands auteurs espagnols qui dans les années 80 mettaient la BD à une grande place, c'est magnifique. Merci beaucoup V57 pour ce bijou, je vais le lire avec grand intérêt.

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  3. merci de réhabiliter ces auteurs un peu oubliés aujourd'hui. Beau travail

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  4. Merci, je suis espagnol, je connaissais la plus part des histoires, mais de toute façon merci.

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  5. Merci beaucoup pour cet album original et bien documenté.

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  6. Merci beaucoup Voltaire 57 pour cet excellent article !

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  7. Muchas gracias por este album, dedicado a autores españoles de los 80 que son grandes maestros. Merci beaucoup V57 pour un super album dédié aux grands auteurs espagnols. Salut

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  8. Merci beaucoup Voltaire pour cet excellent album.

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  9. Merci beaucoup pour un album incroyable, la contribution des artistes espagnols à la BD est abondante et de grande qualité

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